Le plan du gouvernement pour aider les seniors à adapter leur logement

Le plan, que « Le Monde » s’est procuré, permettrait d’adapter 70 000 logements par an pour 400 millions d’euros.

Pierrette Dorange, 88 ans, porte un bracelet d’alerte au poignet pour prévenir les secours en cas d’accident, Nantes, le samedi 05 février 2022. THÉOPHILE TROSSAT POUR « LE MONDE »

Sol antidérapant, monte-escalier, chemin lumineux, douche à l’italienne : autant d’aménagements qui évitent de tomber chez soi ou d’entrer en maison de retraite faute d’un logement adapté à ses déficiences : le gouvernement veut créer « une aide financière », a annoncé Brigitte Bourguignon, lundi 21 février, pour permettre aux personnes âgées de vivre le plus longtemps possible à leur domicile. Toutefois, la ministre déléguée chargée de l’autonomie n’a dévoilé ni le calendrier ni les détails de la future aide, baptisée MaPrimAdapt’, alors qu’elle présentait, au CHU de Toulouse, un plan visant à « diminuer de 20 %, d’ici 2024, les chutes mortelles des personnes âgées » : 10 000 seniors meurent chaque année des suites d’une mauvaise chute.

Est-ce pour laisser la primeur de l’annonce au probable futur candidat Emmanuel Macron ? Une chose est certaine : le projet est à l’arbitrage du chef de l’Etat et du premier ministre. Et comme l’a rappelé Jean Castex, le 23 septembre 2021 à Autun (Saône-et-Loire), « on ne peut pas faire ça n’importe comment ».

L’exécutif est échaudé par le coup d’arrêt brutal qu’il a donné à son « plan baignoires » en 2021. Ministre du logement, Julien Denormandie avait promis, en avril 2019, une aide à l’adaptation de 200 000 salles de bains, financée par Action logement, organisme qui collecte le 1 % logement auprès des entreprises, qui devait y consacrer un milliard d’euros. L’annonce de l’arrêt du plan est tombée en février 2021 alors que 100 000 dossiers de demande avaient été déposés. Au final, 72 000 seniors en auront bénéficié pour quelque 350 millions d’euros sur deux ans.

680 000 logements 

« Comment comprendre une décision aussi contre-productive pour une cause que le ministère du logement avait affichée avec autant de fierté deux ans avant ? », s’interroge Luc Broussy dans un rapport remis en mai 2021 au gouvernement, intitulé « Nous vieillirons ensemble ». Le président de France Silver Eco, association de soutien à la filière économique en lien avec la longévité, milite activement, dans son rapport, pour une nouvelle aide qu’il est le premier à baptiser #maprimadapt pour faire écho à MaPrimeRénov’, aide consacrée à l’isolation thermique. « Il n’est pas interdit de s’inspirer de ce qui marche », fait valoir M. Broussy, en référence au succès de cette prime réformée en octobre 2020. Il promeut une prime pour l’aide à vieillir chez soi « massive ».

S’appuyant sur le rapport Broussy, Jean Castex juge, le 23 septembre à Autun, qu’il faut mener « l’immense chantier d’adaptation des logements » et pour cela « sortir du parcours du combattant » actuel pour bénéficier d’un soutien financier. Il demande à Mme Bourguignon, Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, et Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, de lui soumettre des propositions.

Le Monde s’est procuré la note qu’elles ont adressée le 31 janvier au premier ministre, qui détaille le scénario de MaPrimAdapt’. Un dispositif conçu pour adapter 680 000 logements en dix ans, soit 30 à 40 % du parc des foyers modestes ou très modestes ciblés.

Aujourd’hui, un peu moins de 40 000 foyers de plus de 65 ans bénéficient d’une aide de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ou de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), pour un montant total de 150 millions d’euros. MaPrimAdapt’ permettrait d’adapter 70 000 logements par an pour 400 millions d’euros. A la différence des aides actuelles de l’Anah et de la CNAV, MaPrimAdapt’ ne serait pas réservée aux personnes en perte d’autonomie.

« Eviter environ 20 % des chutes à domicile »

En cela, la note des trois ministres suit les préconisations du rapport Broussy. Elle préconise aussi l’envoi à toute personne de 70 ans d’un formulaire pour qu’elle dresse elle-même le diagnostic de son logement et de son état de santé. Cet état des lieux, transmis à la CNAV, pourrait déclencher en retour une « évaluation » de la personne et de son environnement, confiée à un ergothérapeute. Cette évaluation serait gratuite pour tous les ménages. L’aide pour les travaux serait, en revanche, attribuée sous condition de ressources. MaPrimAdapt’ couvrirait 70 % du coût total pour les revenus inférieurs à 20 593 euros et 50 % pour la tranche allant jusqu’à 25 000 euros de ressources. Sur la base d’un coût global moyen des travaux évalué à 8 000 euros, MaPrimAdapt’ pourrait ainsi se situer entre 4 000 à 5 600 euros.

Selon cette note, ce dispositif « permettrait d’éviter environ 20 % des chutes à domicile ». Les trois ministres estiment possible d’ouvrir le guichet unique mi-2023 pour la généraliser en 2024, et faire ainsi de MaPrimAdapt’ « un marqueur important du prochain quinquennat ».

Pour enrayer le fléau des chutes, Mme Bourguignon a insisté sur la prévention de la perte d’autonomie, notamment à travers l’activité physique adaptée qu’elle souhaite voir encouragée. Le plan anti-chutes du ministère mise aussi fortement sur le développement du dispositif « Icope » promu par l’Organisation mondiale de la santé. Cette application téléchargeable gratuitement sur un téléphone portable permet de réaliser un autodiagnostic, tous les six mois, de ses facultés physiques et cognitives. Le résultat est transmis à un centre de santé qui prend contact si besoin avec la personne et l’oriente vers les examens à réaliser.

La solution Icope, déjà expérimentée en Occitanie, sera développée en 2022 dans seize départements répartis dans cinq régions. Les consultations de prévention qui en découleront seront prises en charge par la Sécurité sociale. « La vue, l’audition, la mémoire, le bien-être psychique, la mobilité sont autant de fonctions qu’il faut maintenir pour ne pas tomber », insiste le professeur Bruno Vellas, patron du gérontopôle de Toulouse, fer de lance d’Icope en France. « Les chutes sont d’abord les conséquences de la fragilité », rappelle le chef de service du département de gériatrie du CHU de Toulouse. Autant que le mauvais agencement de ses pénates.

Source :

Béatrice Jérôme